Récit d’une traversée de bout en bout, en 1871, de l’Amérique du Nord, que l’on ne pouvait guère appeler autrement à l’époque que le Far West. Les Indiens mal soumis, déclassés, dépouillés, humiliés, rendent la vie dure aux intrus venus d’Europe, autant que les rowdies, hors la loi et gangsters de tout poil. Les réalisations urbaines ou industrielles sont pourtant déjà sidérantes, tout est immense, admirable, et précaire. L’auteur analyse finement cette accumulation de possibles. (Édition annotée, la version numérique contient le texte intégral des trois tomes.)
Si vous êtes nerveux, n’écoutez pas, ou du moins ne croyez pas ce qu’aux stations, pendant les courtes haltes et dans les wagons à fumer de votre convoi, on vous raconte des Indiens. Tout cela n’est certes pas l’Évangile, mais, même en faisant une large part à l’exagération, il en reste toujours assez pour faire frémir, surtout lorsqu’on vous débite ces histoires émouvantes sur les lieux mêmes qui en ont été le théâtre. Un colporteur qui fait régulièrement le voyage du Montana veut bien m’exposer toutes les sensations que l’on éprouve pendant que l’on est scalpé. C’est l’après, dit-il, qui est le plus terrible, puisque c’est une agonie lente et atroce. Quant à l’opération, c’est l’affaire d’un moment. Il y a très peu d’exemples qu’un homme scalpé ait survécu à ce supplice. Nous en verrons un spécimen demain ; il est chef de l’une des gares de l’Union Railroad, et le conducteur « m’introduira » auprès de cet être presque unique qui sait vivre avec un crâne complètement dégarni de chair et de peau. Au reste, grâce aux mesures, qu’on dit excellentes, prises par le général Sheridan, la route est sûre dans tout son parcours, sauf toujours les accidents. Tâchez de ne pas dévoyer, tâchez de n’avoir pas d’arrêt forcé entre deux stations, et ne vous placez pas dans le dernier wagon.
Joseph Alexander von Hübner, 26 novembre 1811, Vienne ; 30 juillet 1892, Vienne.
Le petit Joseph Hafenbfädl, fils naturel de Maria Hafenbrädl, nièce d’un fournisseur de la cour, et du prince Clément Venceslas de Metternich, fut autorisé en 1833 à prendre les nom et titre de baron von Hübner. De bonne heure il marcha sur les traces de son père. Attaché puis secrétaire d’ambassade et enfin consul, il se forma dans plusieurs ambassades d’Europe avant d’être nommé ambassadeur d’Autriche à Paris, puis au Saint-Siège. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur ses missions et ses voyages, autant d’aperçus précieux sur la vie diplomatique, mais aussi sur des pays peu ouverts à l’époque, qu’il visitait avec une curiosité insatiable, aussi à l’aise avec le dernier des coolies que dans les plus hauts cercles aristocratiques. Élevé au titre de comte en 1888, il fut une des figures politiques les plus en vue de la monarchie autrichienne.
Corville-House, Tipperary
1. – De Queenstown à New-York
2. – New-York
3. – Washington
4. – de Washington à Chicago
5. – Chicago
6. – De Chicago à Salt Lake City
7. – Salt Lake City
8. – Corinne
9. – De Corinne à San Francisco
10. – San Francisco
11. – Yosemite
12. – De San Francisco à Yokohama