En 1871, à l’exception de quelques ports protégés par traités, le Japon est encore rigoureusement fermé aux étrangers, et braver l’interdit peut coûter très cher. Qu’importe à notre gentleman baroudeur, rien ne l’arrête et la chance l’accompagne. Le résultat est une plongée en apnée dans un monde radicalement autre, indéchiffrable, impénétrable et troublant. Le contraste avec le Japon d’aujourd’hui est à couper le souffle. (Édition annotée, la version numérique contient le texte intégral des trois tomes.)
La ville de Kyoto offre l’aspect d’une masse confuse et uniforme de maisons basses, dont les toits noirs sont seuls visibles. À notre gauche, dans le lointain, le château montre ses pignons et les murs blancs de son enceinte. Devant nous, un peu à notre droite, on distingue un dé-dale d’édifices et un groupe de vieux arbres : le palais du Mikado. Au-dessus de cet océan de toits s’élèvent les in-nombrables chapeaux de feutre des temples. Les deux grands sanctuaires de Taikosama les dominent tous ; ils attirent le regard par la majestueuse grandeur de leurs profils.
Nous sommes dans les premières heures de l’après-midi. Figurez-vous un grand fleuve qui charrie des blocs de charbon, noirs, polis, ruisselant de lumière sur les arêtes. Au milieu de cette nappe sombre mais miroitante, des îlots, des oasis vertes, les bosquets sacrés des temples, et, autour de la ville, un autre océan : des têtes d’arbres et des rizières qui, privées de leur fraîcheur à cette époque de l’année, commencent à jaunir. Tel est l’effet que, vu de cette élévation et à l’encontre du soleil, Kyoto produit sur le spectateur.
Joseph Alexander von Hübner, 26 novembre 1811, Vienne ; 30 juillet 1892, Vienne.
Le petit Joseph Hafenbfädl, fils naturel de Maria Hafenbrädl, nièce d’un fournisseur de la cour, et du prince Clément Venceslas de Metternich, fut autorisé en 1833 à prendre les nom et titre de baron von Hübner. De bonne heure il marcha sur les traces de son père. Attaché puis secrétaire d’ambassade et enfin consul, il se forma dans plusieurs ambassades d’Europe avant d’être nommé ambassadeur d’Autriche à Paris, puis au Saint-Siège. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur ses missions et ses voyages, autant d’aperçus précieux sur la vie diplomatique, mais aussi sur des pays peu ouverts à l’époque, qu’il visitait avec une curiosité insatiable, aussi à l’aise avec le dernier des coolies que dans les plus hauts cercles aristocratiques. Élevé au titre de comte en 1888, il fut une des figures politiques les plus en vue de la monarchie autrichienne.
- – Yokohama
- – Yoshida
III. – Hakone
- – Yedo
- – Osaka
- – Kyoto
VII. – Le lac de Biva
VIII. – Nagasaki
Appendice