Moins connu que les Souvenirs sur Lamartine, cet ouvrage offre pourtant un autre aperçu, tout aussi intéressant mais complémentaire, sur l’entourage intime du poète.
Centré cette fois sur la figure douloureuse de son épouse, l’artiste Mary Ann Elisa Birch, ce texte nous fait discrètement pénétrer dans les coulisses d’une vie difficile, imprégnée d’un dévouement absolu pour le grand homme et du souvenir à vif de ceux qui ne sont plus, et tissée de profondes interrogations religieuses.
La dernière partie de l’ouvrage repose sur de nombreux extraits de lettres adressées par Mme de Lamartine à l’auteur.
(ebook uniquement)
Madame de Lamartine
Le grand château est devenu une solitude ensevelie dans les glaces. Au dedans, au dehors, le silence. Les corbeaux noirs s’abattent sur les champs neigeux, les pensées sombres sur les hôtes de Monceaux. Nous sommes seuls, Lamartine, sa femme et moi, dans le travail et la tristesse.
Mme de Lamartine m’a donné la plus belle chambre du château, la chambre Louis XV, aux trumeaux à la Watteau, aux lambris rouges, près de la longue galerie. Notre vie est grave, mais douce pour moi ; nul ne vient distraire cette intimité. Pas un visiteur n’affronte la neige, ne monte l’avenue. Nous vivons isolés comme dans un monastère.
Le matin est tout au travail. Lamartine, de sa plume infatigable, écrit un roman populaire. Seul, dans la galerie, aux chaudes flammes de la cheminée, je lis les lettres confiées à ma plume novice, troublé souvent dans mes réponses. Après sa prière du matin, Mme de Lamartine sort de sa chambre, vient s’asseoir près de moi, aide, encourage le jeune secrétaire improvisé. Elle m’apporte les feuilles nouvelles tombées de la plume matinale, les épreuves arrivées de Paris. Nous lisons ensemble, moi entraîné par le charme, elle moins séduite, plus attentive aux imprudences de l’improvisation ; s’arrêtant à telle parole trop vive ! « Ne pensez-vous pas que cette phrase puisse causer une erreur sur la politique de M. de Lamartine ? » Elle arrête sur tous les replis les plus cachés son regard et son examen. Sa critique vigilante ne laisse rien échapper ; elle est la réflexion de ce génie d’improvisation.
La lecture du roman la Servante nous charme, sans l’ombre d’une critique, par sa figure touchante, sa poésie rustique, son style pastoral. Nous admirons, dans ce génie si grand, le don de simplicité, de la langue des petits, comme la servante de Jocelyn !
Il fait toucher le ciel aux plus petites mains.
La tâche charmante est finie. Mme de Lamartine, assise devant son chevalet, se remet à la peinture. Elle peint pour la décoration du foyer et ses œuvres de charité.
Charles-Émile Alexandre, Morlaix, 23 août 1821 – Mâcon, 1er septembre 1890.
Écrivain, poète, homme de lettres en général, député de Saône-et-Loire de 1871 à 1875, il est surtout connu pour avoir été le secrétaire particulier d’Alphonse de Lamartine. La rencontre s’était faite lors des heures sombres de la révolution de 1848. Quelques mois plus tard, en 1849, Lamartine lui proposait de remplacer son secrétaire d’alors, Paul de Saint-Victor, en route vers une carrière journalistique. Il devait exercer cette fonction jusqu’à la mort du grand poète.
Prologue
Le lac
La mère
PREMIÈRE ÉPOQUE
La rencontre – 1819
Les Méditations – 1820
Le mariage – 1820
Le voyage en Italie – 1820-1821
Les enfants – 1821-1822
La vie à Florence – 1825-1826
La retraite à Saint-Point – 1828-1829
La réception à l’Académie Française – Les Harmonies – 1830 – La réponse à Némésis – 1831
Le voyage en Orient – 1832
La mort de Julia – 1832
De Balbek à Jérusalem – 1833
Le retour – 1833
DEUXIÈME ÉPOQUE
La politique et la poésie – 1834-1842
L’atelier et la tribune – 1843-1845
Les ovations – 1847
La femme d’un héros – 1848
Le pèlerinage – 1849
L’hiver à Monceaux – 1850
Le printemps à Paris – 1850
Le nouveau voyage en Orient
L’automne à Monceaux – 1850
La vie à Paris – 1851
L’automne à Monceaux – 1851
TROISIÈME ÉPOQUE
Les travaux domestiques – 1852-1857
Les épreuves – 1858
Sursum corda – 1859
Les dons – 1860
Les pensées et les œuvres – 1861
Les lettres d’automne – 1862
Les dernières lettres – 1863
Les dernières paroles
Épilogue