Au moment de l’écriture de ce texte Napoléon III vient de lancer la campagne du Mexique. Décidée pour des raisons politiques et financières, celle-ci devait s’achever six ans plus tard par un pitoyable fiasco et la mort tragique de l’empereur Maximilien. Dès le lancement des opérations, l’auteur avait jugé clairement et durement la folie de l’entreprise. Sa belle hauteur de vue universalise la problématique et la rend intemporelle. Les mots frappent aujourd’hui avec la force du recul comme certainement ils n’ont pas frappé à l’époque. À la limite du pamphlet, ce texte court et percutant force à la réflexion.
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L’expédition du Mexique
Ce devait être un grand coup de hache au cœur des deux Amériques. Il était fait pour les partager. Après quoi s’élèverait d’elle-même sur les ruines de ces démocraties une monarchie d’abord déguisée, bientôt monstrueuse, qui eût remplacé l’ancienne domination de la maison d’Espagne et eût fait rentrer un monde dans le silence.
Je comprends que lorsque les peuples à genoux rivalisent avec les rois de flatteries et de bassesses, lorsqu’on ne peut plus rien voir qu’à travers une vapeur d’encens, de pareilles visées traversent l’intelligence et qu’il est difficile d’y résister. Quel homme a pu, ayant tous les hommes sous ses pieds, se défendre de conceptions de ce genre, dont on ne sent le vide et la misère qu’après avoir touché l’abîme ? Tous les pouvoirs absolus ont engendré des plans d’asservissement universel. Et celui-ci n’est pas plus mal combiné que tant d’autres, auxquels la fortune a souri un moment avant de les rejeter avec mépris. Sans doute il est toujours dangereux de diriger les affaires humaines, et principalement la guerre, comme une aventure. Mais cela ne laisse pas de plaire à un grand nombre d’hommes. Et ici le plan n’a été déconcerté dès l’origine que parce que l’on comptait sur une chose qui ne s’est pas réalisée : la destruction et l’écroulement immédiats des États-Unis ; faux calcul que l’on aurait dû éviter, mais sur lequel on s’est abusé, tant était grande l’impatience de voir tomber cette puissante démocratie des États-Unis, qui est encore l’espérance de tous les amis de la liberté dans les deux mondes.
Edgar Quinet, 17 février 1803, Bourg-en-Bresse – 27 mars 1875, Versailles
Écrivain, philosophe, historien, homme politique, le véritable métier d’Edgar Quinet était de penser.
Ses convictions libérales républicaines et laïques, jointes à un profond amour de l’humain, ont rapidement fait de lui dès 1848 le fer de lance du mouvement démocratique.
Condamné à l’exil, comme de nombreux autres intellectuels, après le coup d’État du 2 décembre, il refusa l’amnistie de 1859.
Il rentre en France en 1870, et jusqu’au bout continuera le combat contre les forces réactionnaires.
Comme un symbole, il décède en même temps que sont votées les lois constitutionnelles et que naît la troisième République.
1 – Les prétextes.
2 – Le deux-décembre en Amérique. – Plan de l’entreprise.
3 – Suite. Nouveaux principes de ’89.
4 – Les républiques espagnoles. – Une monarchie austro-bonapartiste.
5 – La race latine.
6 – Amérique du Nord. – La monarchie bonapartiste et les États-Unis.
7 – Vraies causes de l’entreprise. – Que la fausse démocratie ne peut souffrir la démocratie vraie.
8 – Exécution du plan. – Première illusion.
9 – Seconde illusion.
10 – Les résultats. – Que l’Amérique ne veut pas être décembrisée.
11 – Le droit. – Les nationalités.
12 – Abus des grands mots. – Un dommage pour la France.
13 – L’expédition romaine et l’expédition mexicaine. – Conclusion.