Chantilly était condamné. Symbole honni, Chantilly devait mourir. Mais le destin de la France en avait décidé autrement. Il fut sauvé par un géant à sa taille, l’homme unique capable de mener à bien cette entreprise titanesque. Doué à la fois de volonté, de force, de passion et de courage, pourvu des moyens financiers nécessaires, le duc d’Aumale sut se montrer à la hauteur de cet héritage écrasant. Nous lui devons aujourd’hui la pérennité d’une de ces merveilles que parfois accomplit l’humanité, quand les dieux l’accompagnent… (Édition annotée)
Lorsque le Roi et la Reine venaient en son château, le Connétable s’avançait loin à leur rencontre, avec une nombreuse et brillante escorte. Il les conduisait à leurs appartements. Il exigeait une étiquette sévère. Il servait lui-même le Roi, seul à une table, les seigneurs de la suite assis à une autre table. Il parlait debout à la Reine. Pendant le repas, des musiciens jouaient dans une tribune. La compagnie se promenait et collationnait dans le parc. L’austérité de Madeleine de Savoie n’admettait ni bals, ni comédies, ni mascarades. La chasse restait la grande distraction, dans une région exceptionnellement favorable.
Le maître de Montmorency, le Connétable Anne de Montmorency, apparaissait comme l’un des plus riches et des plus puissants seigneurs du royaume : à la Cour, grand officier de la Couronne et titulaire de la plus haute charge de l’État, à Chantilly, représentant une figure près de disparaître : le grand féodal.
Il possédait six cents fiefs, plus de cent trente châteaux, terres et seigneuries, et quatre hôtels à Paris. D’aucuns lui léguèrent leurs biens pour se donner un protecteur ; il n’accepta pas toujours, crainte des procès. Il profita de certaines confiscations prononcées par le Roi, incident fréquent en temps de guerre civile. Le revenu de ses offices et pensions équivalait, aussi approximativement qu’on puisse le chiffrer, à environ huit millions de notre monnaie, à quoi s’ajoutait le produit de ses domaines. On le disait « avare et convoiteux ».
Henri Malo – 4 mars 1868, Boulogne-sur-Mer ; 17 mars 1948, Chantilly.
La vie d’Henri Malo est simple, pour ainsi dire rectiligne, et remarquablement féconde. Entré en 1880 à l’école du Louvre, il voit sa thèse récompensée par un prix des Inscriptions et Belles-Lettres. Il ne cessera plus de publier. Après dix ans en tant que bibliothécaire à l’Institut de France, il est nommé en 1931 conservateur du musée Condé de Chantilly, où il finira sa carrière. Il laisse plus d’une centaine d’ouvrages historiques, fortement documentés, dont en particulier, en digne fils de Boulogne, plusieurs études sur les corsaires. Une oeuvre récompensée en 1930 par le Grand Prix d’Histoire de l’Académie française.
I. – Les origines et le Moyen-âge
II. – Le grand Connétable
III. – Les derniers Montmorency
IV. – Le Grand Condé
V. – Monsieur le Duc
VI. – Louis-Joseph de Condé
VII. – La Révolution
VIII. – Les derniers Condé
IX. – Le duc d’Aumale reconstruit le château
X. – Le duc d’Aumale forme ses collections
XI. – Les dernières années du duc d’Aumale
XII. – L’Institut de France et la période contemporaine