Suite de conférences données à Édimbourg en 1901 et 1902, entièrement remaniée par le traducteur, en accord avec l’auteur, pour en faire un ouvrage suivi.
Sur la base d’une étude psychologique empirique du fait religieux, l’auteur réussit à fonder rationnellement – et paradoxalement – le surnaturalisme.
Une démonstration brillante, et qui a fait date.
(ebook uniquement)
L’Expérience religieuse
Parmi les activités créatrices que la religion met en jeu, le sentiment esthétique ne doit jamais être oublié. Bien que je me sois interdit toute incursion dans le domaine ecclésiastique, il me sera cependant permis d’indiquer ici comment certaines églises ont plus de prise sur la nature humaine, grâce à la satisfaction qu’elles offrent à ses besoins esthétiques. Il y a des âmes qui aspirent surtout à simplifier, à purifier leur vie intérieure ; d’autres ont une imagination qui réclame la richesse et l’éclat. On voit une différence analogue dans les caractères. Pour certains hommes, le désordre est insupportable ; il faut que leur vie extérieure soit simple et cohérente ; pour d’autres, au contraire, les superfluités, la surabondance d’excitation, sont indispensables.
Il y a des hommes qui tomberaient en défaillance si tout à coup ils trouvaient toutes leurs dettes payées, tous leurs engagements tenus, leur correspondance à jour, leurs difficultés résolues, tous leurs devoirs accomplis, sauf un seul qu’ils n’auraient qu’à remplir sur-le-champ. Une vie si dépouillée de soucis les épouvanterait. De même le luxe, l’élégance, les marques d’affection, les égards, sont pour les uns une nécessité, et ne sont pour les autres que mensonge et frivolité. Une imagination éprise de splendeur ne saurait se contenter d’une religion tout intime. Elle a besoin d’institutions majestueuses et complexes, dont les parties forment une belle hiérarchie, où l’autorité descend de degrés en degrés depuis la divinité qui est au sommet du système jusqu’aux étages inférieurs où brille encore un reflet de son mystérieux éclat.
On se sent en présence d’un beau monument couvert d’ornements précieux ; on entend résonner les accents harmonieux des chants liturgiques ; toute l’église rend gloire à Dieu. À côté de cette magnifique complexité, où la vie circule dans tous les sens sans nuire à la stabilité de l’ensemble, où les plus petits détails ont leur valeur, combien pâle apparaît le protestantisme évangélique ! Quelle n’est pas la sécheresse de ces hommes qui, chacun pour soi, prétendent rencontrer Dieu face à face ! La Réforme a voulu niveler, pulvériser les splendeurs accumulées par l’église romaine. Pour une imagination habituée aux cérémonies pompeuses, le protestantisme, en dépouillant l’Évangile de ses ornements, paraît avoir mis un hospice à la place d’un palais.
William James, New York 11 janvier 1842 – Chocorua 26 août 1910
William James, frère aîné de l’écrivain Henry James, est considéré comme le père de la psychologie américaine. Son « empirisme radical » s’appuie sur l’expérience immédiate, qui unit le sujet et l’objet, et conteste ainsi l’existence d’un moi transcendant. Ses échanges permanents et féconds avec les psychologues et les philosophes de son temps ont placé son oeuvre au centre d’un important courant créatif, fructueux encore aujourd’hui.
Préface
Avant-propos du traducteur
Introduction : Délimitation du sujet
Chapitre I – Névrose et religion
Chapitre II – La religion comme fait psychologique
Première partie : Les faits
Chapitre III – La réalité de l’invisible
Chapitre IV – L’optimisme religieux
Chapitre V – Les âmes douloureuses
Chapitre VI – La volonté partagée et son retour à l’unité
Chapitre VII – La conversion
Seconde partie : Les fruits
Chapitre VIII – La sainteté
Chapitre IX – Critique de la sainteté
Chapitre X – Mysticisme
Chapitre XI – Spéculation
Chapitre XII – Religion pratique
Conclusion
Valeur de la vie religieuse