On y voit deux objets d’une expression si forte qu’ensuite on ne regarde plus rien : une paire de rideaux d’abord, faits de gros tulle où courent des fleurs et des rinceaux. Ils ne sont pas magnifiques, seulement ils furent brodés par Charlotte, et chaque point c’est un peu de son grand amour. J’imagine sa joie puérile, et large comme les joies d’enfants, le jour qu’elle les apporta. Ensemble ils les mirent à la fenêtre, n’en doutons pas. Comme Goethe était attendri par la constante pensée dont cet ouvrage témoignait ! Comme il les trouva charmants, ces pauvres rideaux ! Comme cette petite chose lui fit sentir son amour avec intensité !…
L’autre objet accroché au-dessus du lit, dans la chambre, c’est une corbeille de paille. Lui-même l’a clouée à cette place pour la voir sans cesse. Elle est affreuse, cette corbeille ! Oui, mais c’est la même où, pendant le voyage d’Italie, il mettait son repas lorsqu’il allait en excursion. Il l’a gardée chèrement, rapportée au fond de l’Allemagne. Il voulait que près de lui toujours restât ce souvenir des heures libres et lumineuses, de l’enivrant voyage où il laissa son amour…
Ces rideaux, dont le tulle fragile persiste à conter une douce histoire, ce panier informe et si pathétique, leur symbole me poursuit comme je reviens lentement par les allées du parc où Goethe imprima son génie, son orgueil – et l’immense quantité de littérature dont, pour le bien et pour le mal, il était malgré tout encombré.
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