Par contre, les enfants rencontrés aux coins des portes sont charmants, les petites filles surtout, d’une pâleur de jasmin avec leurs grands yeux noirs. Sous les chamarrures de leurs costumes, ils luttaient, ces petits Juifs, dans mon souvenir, avec les enfants de Tlemcen, et les jeunes filles donc ! les jeunes filles entrevues au fond des cours en train de faire la lessive, en chemise de soie brodée, tout comme les princesses des légendes, ou tassées l’une contre l’autre derrière le renflement grillagé d’une fenêtre, étaient-elles assez délicieuses sous leurs foulards de soie de couleur vive et le lustré de leurs luisants cheveux noirs, leurs cheveux du noir de leurs larges prunelles, leurs foulards du rouge de leurs bouches charnues.
Elles m’étaient apparues dans leurs blouses et leurs caleçons de soies claires comme autant de fleurs vivantes, les unes isolées sur leur tige, les autres groupées en bouquet, fleurs de cire pourtant plutôt que fleurs vivantes, à cause de leur immuable pâleur… Je me rappelle encore un certain coin de rue avec un vieux mur blanc de chaux, couronné de glycines, et un ancien puits à large margelle, surmonté de ferronneries, dont trois petites Juives tiraient de l’eau, groupe adorable et harmonieux allant du vert tendre au lilas clair. L’une d’elles était montée sur le puits pour aider au jeu de la poulie, et sa silhouette enfantine et parée se détachait, dans le soleil, sur le bleu soyeux du ciel ; et cela ressemblait au début d’un conte, d’un conte des Mille et une Nuits. Je ne les ai pas retrouvées.
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