La prière arabe, comme on sait, est une sorte d’exercice des plus originaux, qui commence par des ablutions et qui continue par une série de prosternations accompagnées de quelques courtes paroles. La coutume veut qu’on choisisse l’endroit le plus propre du lieu où l’on se trouve pour exécuter cette pantomime. Dans les jardins, les fellahs se placent sur les parties les plus fraîches de la pelouse ; dans les rues, ils étalent devant eux leur mouchoir, s’ils en ont un, chose fort rare ! et, s’ils n’en ont pas, leur turban ou tout chiffon réputé propre qui leur tombe sous la main. Rien n’est plus curieux que de voir de graves marchands, enfermés dans les petits espaces carrés qui leur servent de boutique et où ils ont à peine la place de se tenir debout, se lever, se courber, se prosterner en se tournant respectueusement du côté de la Mecque, au milieu de la foule qui circule et des chalands qui s’arrêtent pour regarder la marchandise, mais qui prennent soin de ne pas déranger le fidèle dans ses dévotions.
Le canal qui traverse le Caire et qui se prolonge ensuite jusqu’à Ismaïlia est une véritable mosquée en plein air. Il est si commode de venir y faire ses ablutions qu’on est naturellement porté à y faire ensuite sa prière. La plupart des fidèles trouvent plus simple de se baigner totalement que de se laver les bras au-dessus du coude et les jambes au-dessus du genou. Aussi ne passe-t-on jamais devant le canal sans rencontrer sur ses deux rives un grand nombre d’hommes noirs ou bronzés absolument nus. Il est difficile d’imaginer un spectacle plus intéressant pour un sculpteur. Aucun musée ne contient de plus beaux spécimens de la nature humaine. On croirait que tous ces baigneurs sont d’admirables statues de bronze ou d’ébène descendues de leur socle, pour étaler des formes achevées sous la plus éclatante lumière.
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