La traversée de Douvres à Ostende fut mauvaise. Le roi des Belge vint recevoir sa belle-sœur et la conduisit avec ses deux fils à Laeken ; mais elle n’y demeura pas longtemps. Cependant, je fus témoin de deux choses que je ne puis oublier : 1° Dans le parc de Laeken on avait construit une petite fortification pour l’instruction du duc de Brabant et du comte de Flandre. On en fit le siège, pour s’amuser, avec MM. de Mœurkerke et van den Brull ; je coupais des mottes de terre pour servir de projectiles. Dans le combat, la princesse Charlotte, qui n’avait guère que douze ans, se montrait la plus ardente. Le duc de Chartres, qui ne l’était pas beaucoup moins, lui jeta une motte de terre sur son chapeau : elle n’en tint pas compte. Je la vis les cheveux au vent, l’œil en feu, monter à l’assaut du rempart. Frères et cousins riaient de bon cœur, et je me demandais, non sans inquiétude, ce qui pourrait arriver un jour à cette jeune et généreuse Princesse. 2° Le soir, après dîner, j’ai entendu le roi Léopold Ier parler avec beaucoup de sang-froid de l’établissement de la hiérarchie catholique en Angleterre et de l’humeur belliqueuse du cardinal Wisemann. Il ajouta : « Nous avons ici à Bruxelles un Nonce qui s’appelle Mgr Pecci : il pourrait être un jour un bon pape. » C’est aujourd’hui Léon XIII.
Quoiqu’on nous reprochât de mener une vie de tourbillon, nous voyagions à petites journées pour ne pas fatiguer S. A. R., mais nous avions hâte d’arriver à Eisenach, en Thuringe, où nos deux jeunes Princes, comme leur mère, reçurent de la population le meilleur et le plus touchant accueil. Après quelques jours de repos, S. A. R. alla rendre à sa famille de Weimar la visite obligée mais très agréable à son cœur reconnaissant.
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