Nous arrivons le soir dans une petite ville, ancienne place forte, entourée de murs et de fossés, où la porte garde encore ses mâchicoulis de brique. L’unique auberge n’a qu’une chambre à deux lits ; c’est peu pour sept voyageurs, dont trois Parisiennes. Nos compagnes sont effrayées ; la maîtresse du logis explique par gestes, son dialecte n’étant pas très clair, qu’elle offre aux dames sa propre chambre et son lit, assez grand pour dormir à trois. Ce jour-là, pour la première fois, on regrette le confort absent. Au départ, autre aventure. L’hôtelière refuse d’être payée en or ; n’ayant jamais vu que du papier monnaie, nos napoléons lui semblent suspects. Elle consulte les notables, le parroco lui-même ; et nous devons attendre pour partir que l’autorité ecclésiastique se prononce en notre faveur.
La malpropreté des villages était incroyable. Elle nous apparut dès le premier bourg, à Carsoli, au sortir des anciens États romains. L’auberge sordide nous sembla le seuil symbolique du royaume de Naples. Il n’y avait que des lits de camp, aux draps de toile à voile. Les chambres étaient petites et basses, carrelées, encombrées de sacs et d’instruments de labour. Les rats s’ébattaient dans les armoires éventrées. Et le matin, ouvrant nos fenêtres, nous vîmes une centaine de petits porcs noirs, sans gardien, maîtres chez eux, qui encombraient le pavé jonché de paille et d’ordure, et semblaient presque sauvages. Il fallut livrer bataille pour sortir de la maison et nous frayer passage vers nos mulets.
Il n’y pas encore d’avis.