Maintenant, Loulotte, bien qu’il pleuve et vente rudement, nous allons faire un tour de pinières. De bons caoutchoucs aux pieds, un waterprouf, un parapluie et nous voilà dehors. Je traverse d’abord la prairie pour être bien rincée du vent en plein visage, puis j’entre dans les pinières. Exquis ! Le vent est tamisé, et la pluie plus douce. Loulotte se met à courir sous un groupe d’arbres, le nez rasant le sol ; puis elle regarde en l’air, à la recherche de l’écureuil.
Je m’appuie contre un arbre, long, mince, pour regarder aussi, et voilà que par le vent l’arbre oscille, et imprime à mon corps son oscillation, et la tête levée vers les cimes qui toutes se balançaient lentement ; je me sens une émotion dans la gorge, un vertige dans les yeux et un exquis anéantissement, léger comme un rien de mal de mer qui me fait chavirer avec le bois et me croire en mer. J’en avais d’autant plus la sensation que la pluie m’était jetée par paquets des arbres comme des éclaboussures d’eau de mer sur les navires.
Cela dura quelques secondes et pour me remettre d’aplomb je dus regarder à terre et me persuader qu’elle ne se mouvait pas.
Loulotte flairait toujours, dressée contre un arbre, l’odeur que la bête y avait laissée. – Je retournai par les champs pour être encore flagellée par le vent. – En rentrant… Ah mon dieu ! Voilà que Kiki a déjà déposé sur le rideau deux petits dont elle faisait la toilette.
Loulotte et elle se regardèrent, Kiki lui montra les dents en un léger retroussis. Alors Loulotte s’allongea à distance et les oreilles pointantes, les narines palpitantes, elle observa. Kiki continua son travail. En ce moment il y en a cinq : je crois que ce sera tout.
renardot Solange –
Formidable découverte – cette auteure mériterait d’être au programme universitaire