Le 28 et le 29. – Nous ne fûmes distraits que par l’arrivée des voitures qui amenaient à chaque instant des prisonniers. – Nous pouvions les voir d’une tourelle qui communiquait dans notre chambre, et dont les fenêtres donnaient sur la rue Sainte Marguerite.
Nous avons payé bien cruellement par la suite le plaisir que nous avions d’entendre et d’apercevoir ce qui se passait sur la place, dans la rue, et surtout vis-à-vis le guichet de notre prison.
Le 30, à onze heures du soir. – On fit coucher dans notre chambre un homme âgé d’environ quatre-vingts ans ; nous apprîmes le lendemain que c’était le sieur Cazotte, auteur du poème d’Olivier, du Diable amoureux, etc. – La gaieté un peu folle de ce vieillard, sa façon de parler orientale, fit diversion à notre ennui ; il cherchait très sérieusement à nous persuader, par l’histoire de Caïn et d’Abel, que nous étions bien plus heureux que ceux qui jouissaient de la liberté. Il paraissait très fâché que nous eussions l’air de n’en rien croire ; il voulait absolument nous faire convenir que notre situation n’était qu’une émanation de l’apocalypse, etc. etc. Je le piquai au vif en lui disant que, dans notre position, on était beaucoup plus heureux de croire à la prédestination qu’à tout ce qu’il disait. Deux gendarmes qui vinrent le chercher pour le conduire au tribunal criminel terminèrent notre conversation.
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