Puis-je citer un cas où nous fûmes sérieusement avantagés ? Le conservateur des objets d’art au Louvre, Molinier, avait une extrême envie de reprendre deux petits bronzes qu’un inventaire révolutionnaire indiquait comme saisis à Louveciennes, chez Mme du Barry, et qui s’étaient égarés dans les cabinets de Marie-Antoinette. On s’y prêta de bonne grâce, et le collègue reconnaissant m’offrit de prendre ce qui me conviendrait dans ses armoires, où gisaient encore des débris de l’éphémère Musée des souverains créé par Napoléon III. Je choisis neuf plaques de pâte tendre de Sèvres, de dimensions exceptionnelles, où les peintres minutieux de la Manufacture royale ont réduit les grandes compositions d’Oudry pour les tapisseries des chasses de Louis XV en les transposant par le costume, de manière à en faire les chasses de Louis XVI. Les portraits s’y trouvent rajeunis et l’on distingue fort bien sur l’une d’elles les costumes de Marie-Antoinette et de ses dames.
De tels morceaux ont dû avoir un vif succès auprès de la Cour lors des expositions annuelles qui se faisaient à Noël, chez le Roi lui-même, dans le Salon des porcelaines. Je n’ai pas besoin de souligner leur valeur marchande d’aujourd’hui ; c’est un ensemble unique, resté dans ses cadres anciens et parfaitement intact. L’un d’eux fut réservé pour le musée céramique de Sèvres, et les autres portés au Château où je leur cherchai une place ; une étiquette indiquait qu’elles s’étaient trouvées dans la salle à manger privée du Roi, que je supposais avoir été la pièce sur la cour des Cerfs ; je décidai de les y remettre en les suspendant par une chaîne sur les panneaux où ils s’arrangeaient fort bien. Quel ne fut pas mon plaisir, au moment de planter le crochet, de constater que les crochets anciens existaient déjà sur la plinthe supérieure ! Ainsi se trouvait reconstituée, et du même coup identifiée par un hasard heureux, une pièce intime des cabinets du Roi.
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