La politique corse vaut à elle seule qu’on fasse le voyage pour la connaître. Elle est amusante comme un vaudeville et tragique comme un drame. Il y en a pour tous les goûts, pour tous les amateurs d’émotions. C’est une véritable boîte à surprises. Car les différents clans entrent les uns dans les autres à la façon des joujoux japonais.
En Corse, il n’y a pas d’opinion, il n’y a que des partis. Une opinion, c’est un luxe de citadin. Aux gens des villes et de quelques gros bourgs de se préoccuper des nuances politiques. La plupart des propriétaires et des paysans ne sont ni réactionnaires, ni modérés, ni révolutionnaires, ni rien du tout. Ils sont pour ou contre l’administration. C’est-à-dire pour ou contre ce qui donne présentement les places. Et comme l’administration actuelle est représentée par une ou deux familles, ils sont du parti de cette dernière et ils attendent un profit immédiat. De même les adversaires de cette administration actuelle forment un parti à la tête duquel se trouvent deux ou trois autres familles, qui promettent de disposer des faveurs de l’administration de demain.
Évidemment, pour la bonne règle, aux yeux du parlementarisme contemporain, les chefs se targuent d’une opinion. Mais ça c’est pour les pinzuti (les continentaux). En Corse on est plus sceptique, on n’y attache aucune importance.
Ce n’est pas parmi les Corses qu’il faut chercher les naïfs et les gobeurs. Ce n’est pas chez eux qu’il faut espérer triompher en employant les mots longs d’une aune qui résonnent comme des tambours, mais sont vides comme eux.
Les Corses sont trop intelligents et trop pratiques.
Ils savent fort bien qu’un candidat corse est un individualiste, comme un électeur corse. S’il se présente, ce n’est pas par amour pour le pays ni par dévouement pour le peuple. S’il le disait, on rirait. Un sénateur et un député sont des gens payés, et bien payés. Le paysan ne voit qu’une chose, en sollicitant son suffrage : que le candidat aspire à une place rétribuée ; donc, en votant pour lui, il lui donne réellement quelque chose, et par conséquent, il s’estime en droit d’attendre une juste rétribution.
Dans ces conditions, la politique corse est une politique uniquement d’individualités.
José –
Heureusement que c’est un Corse qui l’a écrit.