Devant la grande table, le Dr Boissarie est assis et, à sa gauche, devant l’autre table, se tient son adjoint, le Dr Cox. La première impression que l’on éprouve, alors qu’on assiste à l’interrogatoire des malades, est que le Dr Boissarie est un juge d’instruction, mais un juge brusque et bon enfant, et qui retourne, en souriant, ses accusés sur le gril, et l’aimable Dr Cox fait alors l’effet du greffier qui, tout en écrivant, jette de temps en temps un coup d’œil sur les inculpés dont il inscrit, s’il y a lieu, la réponse.
La vérité est, n’en déplaise aux gens qui ne connaissent que par ouï-dire la clinique de Lourdes, que ces deux praticiens sont fort défiants et qu’ils ne retiennent, pour leurs annales, que bien peu des cas extraordinaires dont le défilé s’opère devant eux.
Alors que j’arrive, le Dr Boissarie me fait signe de m’asseoir auprès de lui et il continue de causer placidement avec une jeune fille d’allure un peu bizarre, une paralytique qui déclare avoir été guérie, miraculeusement, ce matin, après un premier bain. Elle ne fait pas partie d’un pèlerinage, ne possède aucun certificat de médecin, rien qui renseigne sur ses antécédents ; elle est d’ailleurs pleine de réticences et se tait sur l’origine de son mal ; mais elle a affaire à un homme patient qui l’incite à se contredire, qui lui dit : Voyons, vous avez dû suivre tel traitement, éprouver tel et tel symptôme, et peu à peu, il finit par lui extirper la vérité, par lui faire avouer qu’elle est sujette à des attaques et qu’il faut alors quatre hommes pour la tenir, et le docteur sourit, la congédie avec de bonnes paroles, et me dit : « C’est de la fausse monnaie. »
Il n’y pas encore d’avis.