La marchande de tripaille pour les chiens et les chats passait une fois la semaine au Haarlemmerdyk, en criant d’une voix éraillée : « Versche Waar (denrée fraîche) ».
Elle levait la tête en regardant les fenêtres des clients, puis allait crier aux caves et à l’entrée des impasses. Alors tous les chiens du quartier accouraient ; tous ceux qui étaient attachés ou dans les maisons aboyaient, jappaient, hurlaient. Les chats sortaient des gouttières, sortaient des coupures, bondissaient des caves et, les yeux à moitié fermés, le dos haut, le poil hérissé, la queue droite, marchant sur la pointe des pieds comme en un pas de parade, ils venaient se frotter contre le tablier ensanglanté de la marchande. Quelques-uns sautaient sur ses épaules, s’accrochaient à elle, en ronronnant passionnément ; d’autres, la tête levée, faisaient des « waouwaouwaw », en ouvrant une bouche aux petites dents pointues et aux babinettes humides et fraîches.
La marchande de tripaille était une grosse femme du « Jordaan », au nez défoncé comme par un coup de poing, une taie sur l’œil gauche, mais l’autre œil était grand, noir et caressant, comme d’un jeune cheval. Elle me demandait quelquefois de garder sa charrette ; en lui parlant, je tournais la tête un peu à gauche pour ne voir que son bel œil.
Elle portait, comme toutes les femmes de ce quartier, un caraco blanc sur un amoncellement de jupons, qui la faisaient marcher en se balançant et haussant une hanche après l’autre. Le bonnet tuyauté était posé sur des bandeaux noirs, gras, qu’une raie d’un pouce de large séparait ; elle les frottait constamment d’un morceau de tripe, pour les faire reluire et tenir raides.
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