C’est de l’empire de Turquie que dépend la presqu’île monacale du Mont-Athos. J’ai eu l’occasion de m’arrêter un instant à cette terre des moines, qui est une des curiosités religieuses de l’Europe, et de visiter quelques-uns des couvents qui s’échelonnent sur les pentes de la sainte montagne, le long de la double côte qui forme ce singulier État concédé entièrement à l’exercice de la règle monastique.
Grecs, Serbes, Bulgares, Russes, les moines sont là chez eux. Seuls habitants du pays, ils le cultivent et l’administrent sous le contrôle d’un résident turc. Cette république de la prière est composée d’une quinzaine de monastères orthodoxes. Si les nationalités y sont diverses, la foi y est une, et partout on est hospitalier, au Mont-Athos. Non seulement les visiteurs sont reçus gracieusement, mais ils peuvent même séjourner à leur gré. On les loge et on les héberge. Au départ, une offrande, laissée à la générosité de chacun, indemnise la communauté de sa dépense. Pour être admis dans l’un ou l’autre des couvents de l’Athos, il n’y a qu’une condition à laquelle il faut satisfaire : c’est d’être un homme.
Les femmes, en effet, n’ont pas le droit de pénétrer à l’intérieur des clôtures ; il leur est même défendu de mettre le pied sur ce sol réservé. La presqu’île sainte tout entière leur est interdite. Qu’elles ne se risquent pas à tenter l’aventure sous un déguisement. « Pourquoi ne voulez-vous pas me laisser entrer ? demandait, raconte-t-on, une de ces voyageuses travesties à un caloyer de l’un de ces monastères qui lui fermait la porte au nez. « Mais, Monsieur, répondait le bon moine, en souriant dans sa longue barbe et sous son haut bonnet de feutre, parce que les femmes ne sont pas admises ici. » Que mes lectrices me permettent donc de les mener dans une de ces pieuses demeures qui s’appellent Ivoron, Roussikon, Vathopédie, Gregorion, Khilandar ou Lavra.