Au petit jour, nous sommes à Trieste.
C’est une très belle ville, dans une situation admirable. Pressée d’abord le long de ses quais, en larges masses blanches, très moderne et comme neuve, avec ses hautes maisons peintes, ses rues pavées de dalles, ses quartiers commerçants d’une opulence et d’une propreté rares, elle s’étage ensuite sur les premières assises des montagnes qui ferment la mer, espaçant ses habitations dans la verdure des vignes et des oliviers, jusqu’à cette région dénudée et pierreuse où le froid saisirait l’Italien frileux. Beaucoup de ports d’Orient sont bâtis de la sorte, en amphithéâtre, autour d’une anse bleue.
Celui-ci est, d’ailleurs, très levantin de mœurs et de couleur. Toutes les Échelles du Levant y sont représentées. La poupe des tartanes y porte des noms qui ont un miroitement de soleil et de sequins : Constantinople, Salonique, Smyrne, Corfou, Scutari, Syra. Des patrons de barques se promènent sur les jetées, portant la veste bleue et les longues moustaches des brigands barbaresques. Beaucoup d’inscriptions sont en grec ou en turc, au-dessus des cabarets et des boutiques de voiliers.
Il y a près des fontaines des auges de pierre, pour abreuver les bœufs qui, le plus souvent, remplacent ici les chevaux. On les rencontre partout, ces petits bœufs jaunes, attelés entre des brancards, quelquefois deux ensemble et conduits en tandem, traînant des chariots étroits. Ils sont une des curiosités du port. Vers midi, on peut les voir, autour d’un square, près de la gare, dételés et couchés à côté de leurs chariots, comme des bêtes de caravane, le mufle tendu vers l’ombre des rues, endormis pêle-mêle avec leurs conducteurs.
Émilie –
Excellent, je recommande.