Je suis retourné le lendemain au puits Pélissier et j’ai pu m’entretenir longuement d’abord avec M. Chosson, ingénieur en chef de l’État, pour le département de la Loire, puis avec M. Nau, directeur de la mine de Villebœuf. Ces deux hommes représentent, à l’heure qu’il est, les deux grandes responsabilités qu’on va opposer l’une à l’autre : l’État, la Compagnie.
Quand viendra à la Chambre la discussion du rapport de la commission, le combat sera circonscrit entre eux ; selon la commission, ils sont également coupables, mais l’administration des mines aura pour défenseur tout-puissant le ministre des travaux publics, qui, en défendant ses subordonnés, se défendra lui-même ; la Compagnie n’aura sans doute personne… Des gens penseront : « Tant pis pour la Compagnie ! Cette association anonyme d’intérêts capitalistes, qui s’enrichit au travail et aux risques de mort de centaines de malheureux, ne mérite pas qu’on s’émeuve pour elle ! » Soit. Mais ce qui invisiblement dominera le débat, ce qui donnera aux gens renseignés l’émotion dont seront privés les autres, c’est la lutte inégale et sourde d’une administration solidaire et souveraine contre un seul homme, désarmé et impuissant, le directeur de la mine.
Car qu’on ne s’y trompe pas ! L’État reconnu responsable, même dans une mesure réduite, c’est, à un point de vue général, le bouleversement fatal du régime minier ; c’est, à brève échéance, la mise en question des concessions ; c’est le point de départ d’une grosse révolution économique qui n’est pas là d’être acceptée ! Au point de vue particulier, c’est la panique jetée dans la hiérarchie des administrations, ce sont les agents de l’État, désarmés par les règlements, terrorisés sous des responsabilités formidables et latentes : l’administration des mines ne sera donc pas coupable…
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