Ce devait être un grand coup de hache au cœur des deux Amériques. Il était fait pour les partager. Après quoi s’élèverait d’elle-même sur les ruines de ces démocraties une monarchie d’abord déguisée, bientôt monstrueuse, qui eût remplacé l’ancienne domination de la maison d’Espagne et eût fait rentrer un monde dans le silence.
Je comprends que lorsque les peuples à genoux rivalisent avec les rois de flatteries et de bassesses, lorsqu’on ne peut plus rien voir qu’à travers une vapeur d’encens, de pareilles visées traversent l’intelligence et qu’il est difficile d’y résister. Quel homme a pu, ayant tous les hommes sous ses pieds, se défendre de conceptions de ce genre, dont on ne sent le vide et la misère qu’après avoir touché l’abîme ? Tous les pouvoirs absolus ont engendré des plans d’asservissement universel. Et celui-ci n’est pas plus mal combiné que tant d’autres, auxquels la fortune a souri un moment avant de les rejeter avec mépris. Sans doute il est toujours dangereux de diriger les affaires humaines, et principalement la guerre, comme une aventure. Mais cela ne laisse pas de plaire à un grand nombre d’hommes. Et ici le plan n’a été déconcerté dès l’origine que parce que l’on comptait sur une chose qui ne s’est pas réalisée : la destruction et l’écroulement immédiats des États-Unis ; faux calcul que l’on aurait dû éviter, mais sur lequel on s’est abusé, tant était grande l’impatience de voir tomber cette puissante démocratie des États-Unis, qui est encore l’espérance de tous les amis de la liberté dans les deux mondes.