Comme la ville est plus ancienne que moi, je dois dire d’abord que le nom de Bruxelles signifie les cabanes du pont, parce que cette cité fameuse commença par quelques cabanes construites dans l’île de Saint Géry, qui communiquait à la terre ferme par un pont de bois jeté sur la Senne, à l’endroit qu’on nomme aujourd’hui Borgval, mot flamand qui veut dire forteresse ; car il faut savoir qu’autrefois les villages étaient fortifiés.
Bruxelles était déjà au septième siècle un hameau considérable où les hommes vivaient à peu près comme des ours. Le pays était couvert de bois et de marécages. Nos pères se nourrissaient de chasse et de pêche ; les belles dames s’habillaient de peaux de cygnes, qui étaient communs dans la contrée. Il y avait du reste fort peu de luxe.
La ville cependant s’étendait peu à peu. C’était en l’an 700 une bourgade déjà forte, qui avait un seigneur puissant pour maître. Ce seigneur faisait aussi les fonctions de magistrat, et avait des gens d’armes, comme le roi d’Yvetot. Saint Vindicien, évêque d’Arras, vint prêcher et mourir à Bruxelles, en l’année 705 ; il logea chez le seigneur en question, lequel, n’ayant pas d’enfants, se recommanda instamment aux prières du saint. Vindicien se prêta de bonne grâce à ses désirs. Sa femme devint enceinte, et au bout du neuvième mois, je vins au monde. J’étais tellement petit que c’est de moi sans doute qu’on a pris l’idée du petit poucet. Vindicien était mort, on alla chercher sainte Gudule pour me bénir. Cette sainte était si belle que mon père en devint éperdument amoureux. Elle avait été élevée à Nivelle, sous les yeux de sainte Gertrude sa parente, et elle vivait dans une grande piété au château de Ham, qui appartenait à sa famille.
Mon père comprima à peine trois mois sa passion pour Gudule. Il alla enfin la trouver dans son château, un jour qu’il savait qu’elle y était seule ; et se voyant repoussé avec indignation, il voulut user de violence.
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