Abordant les questions religieuses, nouvelles pour lui, il était conforme à tous ses antécédents de se placer sur le terrain du sens intime et de s’y renfermer. La doctrine du pardon, qui lui avait échappé parce que le fait du devoir ne l’avait pas suffisamment occupé, lui échappait donc encore à un autre titre. L’existence réelle d’un Sauveur est un fait extérieur au croyant, bien qu’en relation intime avec sa conscience, un fait historique, produit de la libre volonté du Dieu de miséricorde. Lorsqu’on y croit, on éprouve en soi-même les conséquences de cette foi ; mais le fait, on le croit, on ne l’éprouve pas ; le sens intime tout seul ne saurait jamais l’atteindre.
Or, Maine de Biran était toujours porté à constater ce qu’il éprouvait, bien plus qu’à croire ce qui pouvait se passer hors de lui ; le pardon accepté rentrait donc beaucoup moins dans son point de vue que la grâce immédiatement sentie. Il subsiste donc une lacune considérable dans sa conception du christianisme ; je dis une lacune, non une négation. On ne le voit pas en effet se placer en face de l’enseignement de l’Église pour en accepter une partie et en rejeter une autre ; il est bien loin de se refuser à la doctrine du pardon : il semble ne pas l’apercevoir.
Il n’y pas encore d’avis.