Au mois de mai 1572, la cour revenait de Touraine, ayant séjourné près d’un an à Amboise, à Blois et à Chenonceau. Par ce printemps léger de Paris, Hélène se promenait aux Tuileries, le beau jardin particulier de la reine Catherine, orné de labyrinthes et de fontaines et planté dans un ordre parfait. Le château en construction apparaissait à travers les arbres, et plus loin les tours du vieux Louvre, que joignait le bâtiment nouveau. Les barques passaient sur la Seine, qui baignait les murs du jardin royal. Au bord d’une eau jaillissante, Hélène était assise avec une amie. Ronsard saisit cette occasion de lui parler. Il vint auprès d’elle, et elle l’interrogea sur ses nouveaux poèmes, d’une voix chantante qui le charma. Il parla surtout de ses tristesses, de ses ennuis de courtisan et d’écrivain, et soutint que, si l’on pouvait se passer de gloire, on ne peut se passer d’amour. Hélène écoutait, émue et déjà conquise. Il lui rappela une église où il avait pris la hardiesse de contempler ses yeux, ce qui n’était peut-être qu’une réminiscence de Pétrarque ; et quand vint enfin, sur les lèvres du poète, l’aveu qu’elle attendait, elle sourit sans répondre.
Elle eût préféré, sans doute, que tout cela s’enveloppât des subtilités à la mode et de dissertations préalables « sur la nature de l’amour ». La véhémence de Ronsard avait, d’un seul coup, jeté bas ces frêles obstacles. La jeune compagne ne suivait qu’à demi leur discours, et les interrompait sans cesse. Malgré l’importune présence, le poète fut si heureux de cette première causerie que, longtemps après, il en fixe avec précision tous les détails, comme s’il voulait ne rien perdre de ces souvenirs.
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