Déportation et naufrage de Jean-Jacques Aymé, ex-législateur

Jean-Jacques Aymé

Récit autobiographique de ce qui fut probablement la pire période de la vie de l’auteur : arrestation sans véritable motif, déportation sans jugement à la Guyane, évasion après 18 mois d’un enfer inhumain, et retour mouvementé vers l’Europe, où il manque ne jamais arriver après un naufrage meurtrier sur les côtes écossaises.
Ce témoignage sincère d’un homme cultivé, sensible et intelligent est un de ceux qui se détachent vigoureusement dans l’abondance des récits de vie de cette époque.
À la fin du texte, trois listes de déportés embarqués vers la Guyane. (ebook uniquement)

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ISBN : 978-2-38371-019-6
9782383710196 2,99 €
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Le nombre des malades grossissant chaque jour, le capitaine eut peur pour son équipage, peut-être pour lui-même ; et comme le principe du mal était essentiellement le mauvais air que nous respirions dans notre tombeau, il décida, après le passage du tropique, que, de deux heures en deux heures, il sortirait, pendant la nuit, vingt-cinq d’entre nous pour aller sur le pont. Cet adoucissement était fort peu de chose, et avait ses inconvénients ; car, depuis huit heures jusqu’à six, on venait faire des appels très bruyants.

La sortie et la rentrée des vingt-cinq ajoutait encore à ce bruit ; en sorte que nous étions éveillés toutes les deux heures, ou, pour mieux dire, toute la nuit ; car à peine commencions-nous à nous endormir que la même cérémonie recommençait, et produisait le même effet. D’un autre côté, lorsque nous entrions tous à la fois, à six heures, dans l’entrepont, dont l’air avait été renouvelé dans la journée, nous nous accoutumions insensiblement à sa fétidité ; mais lorsqu’au milieu de la nuit nous rentrions dans cette fournaise pestilentielle, c’était une chaleur, c’était une odeur insupportables. À peine avait-on la moitié du corps en dedans, qu’on sentait une chaleur aussi pénétrante que si l’on eut été plongé dans un bain très chaud ; à peine y était-on en entier, qu’on se sentait empoisonné.

Je n’ai profité que deux fois de la permission, et beaucoup d’autres déportés l’ont refusée. Quelques-uns cherchaient à se cacher lorsqu’il fallait rentrer ; mais ils étaient poursuivis avec le plus grand acharnement par le capitaine d’armes. Il était spécialement chargé de nous faire entrer au moment du coucher, et ne s’acquittait jamais de cette fonction sans fredonner à nos oreilles : « Tyrans, descendez au cercueil. »

Jean-Jacques Aymé

Jean-Jacques Aymé ; 13 janvier 1752, Montélimar – 1er novembre 1818, Bourg-de-Péage.
Avocat, député de la Drôme au Conseil des Cinq-Cents. Accusé d’être royaliste à la suite du coup d’État du 4 septembre 1797 (18 fructidor an V), il fut arrêté et condamné à la déportation. Après 18 mois en Guyane, dans des conditions terribles, il parvint à s’échapper et put reprendre sa vie politique sous l’Empire, nommé directeur des droits réunis du Gers et de l’Ain par Napoléon 1er.

Fait par Mon Autre Librairie à partir de l’édition Madaran, Paris, 1800
Les notes entre crochets sont des ajouts pour cette présente édition