Marie-Antoinette vient d’arriver en France. Mariée d’office (comme toute sa fratrie), selon des calculs stratégiques qui la dépassent, à un homme qu’elle n’a pas choisi, lui aussi marié d’office, elle a quitté pour toujours son pays, sa famille, ses amis, ses racines les plus profondes. Et elle est attendue… Sur ses épaules d’adolescente pèsent d’énormes enjeux politiques dont elle n’a que vaguement conscience, immédiatement accaparée comme elle l’est par les féroces intrigues de Versailles. Il faut survivre. Son caractère bien trempé va l’aider, comme il va aussi la desservir. Déjà se dessine, derrière les combats de la dauphine, le destin de la plus tragique reine de France. (Édition annotée.)
Ce sont les plus somptueuses toilettes qu’on ait portées depuis longtemps, et telles qu’on n’en a pas vu aux récents mariages de la princesse de Lamballe et de la duchesse de Chartres. Mais tous les yeux, toutes les pensées sont pour Marie-Antoinette. Dans ses grands paniers de brocart blanc, elle s’avance légère et fine, le visage à peine fardé, rose de jeunesse sous ses blonds cheveux, souriante à tous, ses yeux pleins d’un naïf triomphe. Le Dauphin est mal à l’aise dans le bel habit de l’ordre du Saint-Esprit en réseau d’or garni de diamants ; il semble plus sérieux encore que d’habitude et n’a pas un geste, pas un empressement pour la jeune femme qui répand sa grâce autour d’elle et soulève au passage le flot murmurant de l’admiration.
À la Chapelle, sur les gradins en amphithéâtre de la nef et des tribunes, tout le monde se lève au moment où l’orgue éclate, annonçant l’entrée du cortège. Le coup d’œil est merveilleux et le soleil descend à flots par les larges baies sur les toilettes étincelantes. Louis XV s’arrête un instant sur son prie-Dieu. Le Dauphin et la Dauphine vont jusqu’aux marches de l’autel, là même où l’on voit, sur une estampe de Cochin, le Dauphin et la Dauphine de 1745. Les usages religieux de Versailles sont tels que les a fixés Louis XIV, et c’est au même endroit que s’agenouillent, depuis un siècle, les couples royaux ou princiers.
Pierre Girauld de Nolhac, dit Pierre de Nolhac (Ambert 1859 – Paris 1936)
Écrivain, poète, historien, il a eu dans sa vie deux amours : les Antiquités latines et le XVIIIe siècle français – Rome et Versailles. Ses recherches sur Pétrarque feront date. Ce fort lien affectif à l’humanisme de la Renaissance italienne et à l’esthétisme de la France de l’ancien régime l’accompagnera toute sa vie, qu’il fût Conservateur du Château de Versailles ou directeur du musée Jacquemart-André. Élu à l’Académie française en 1922, il laissa une oeuvre abondante et raffinée.
I. – La cour de Louis XV
II. – Le mariage de Marie-Antoinette
III. – La disgrâce de Choiseul
IV. – Madame du Barry
V. – La fin du règne
Sources
Appendices
- L’appartement de madame du Barry
- Les appartements de Mesdames