Le couple que formèrent Louis XV et Mme de Pompadour est resté jusqu’à aujourd’hui comme l’archétype du « glamour » : la passion irrépressible de deux êtres faits l’un pour l’autre mais que tout sépare, triomphant des jaloux dans le luxe et la beauté jamais plus égalés de la cour de France du XVIIIe siècle. La réalité simplement humaine que nous présente l’auteur est plus nuancée. Le travail irréprochable de l’historien, appuyé sur des sources de première main, quelquefois inédites, joint à la sensibilité d’un chercheur qui sait se laisser toucher sans perdre son discernement, font de cet ouvrage l’occasion d’une rencontre émouvante avec deux personnalités aussi complexes que fascinantes. (Édition annotée.)
La royauté de Mlle Poisson avait commencé de bonne heure. Les familiers de sa mère continuaient à l’appeler « Reinette », et elle était de celles qui établissent partout leur domination, habituées à se reconnaître supérieures aux autres, sans imposer cette certitude, et pouvant se faire pardonner leurs mérites par l’incomparable don de plaire. L’éducation la plus raffinée parait des agréments les plus rares la séduisante jeune fille. Deux poètes tragiques lui avaient enseigné la déclamation et le jeu scénique ; c’étaient Crébillon, aussi célèbre alors que l’avait été Corneille, et Lanoue, qui, après quelques succès d’auteur, allait entrer comme comédien au Théâtre-Français. Elle savait danser à la perfection, dessinait convenablement, et peut-être aimait-elle déjà à guider la pointe sur une planche de cuivre. Mais son principal talent, à cette époque de sa vie, était le chant ; elle en tenait les principes de Jélyotte, le chanteur de l’Opéra, aussi aimé dans les salons qu’au théâtre, et dont les succès, dit-on, ne s’arrêtaient pas aux applaudissements.
Avec tant de grâces et de dons naturels, cultivés d’une façon aussi brillante, Mlle Poisson avait été recherchée dans les réunions du monde, et sa mère s’était vu ouvrir par elle des portes qui lui fussent sans doute demeurées closes. On les recevait à l’hôtel d’Angervilliers, où la jeune fille chanta un jour le grand air d’Armide, de Lulli, et charma tellement Mme de Mailly que celle-ci la voulut embrasser. On les devine admises dans quelques cercles peu difficiles de l’époque, où l’esprit et les grâces invitaient de droit.
Pierre Girauld de Nolhac, dit Pierre de Nolhac (Ambert 1859 – Paris 1936)
Écrivain, poète, historien, il a eu dans sa vie deux amours : les Antiquités latines et le XVIIIe siècle français – Rome et Versailles. Ses recherches sur Pétrarque feront date. Ce fort lien affectif à l’humanisme de la Renaissance italienne et à l’esthétisme de la France de l’ancien régime l’accompagnera toute sa vie, qu’il fût Conservateur du Château de Versailles ou directeur du musée Jacquemart-André. Élu à l’Académie française en 1922, il laissa une oeuvre abondante et raffinée.
I. – Madame Le Normant d’Étioles
II. – L’année de Fontenoy
III. – La vie à la Cour
IV. – Le triomphe de la marquise
V. – Les voyages, les maisons, la famille
VI. – L’amitié
Sources
Appendice